Synthèse
Après notre rencontre à l’OSXP 2022 de Code Lutin présentant l’initiative Copie Publique, nous avons décidé, en cohérence avec notre recherche d’effort de contribution à l’écosystème du logiciel libre, de mettre en œuvre une démarche de dons aux communs numériques.
Les équipes d’Arawa ont donc sélectionné puis voté pour des projets développant ou militant pour des communs numériques.
Un montant total d’environ 4 500 €, correspondant à 6 % de notre bénéfice net a été versé en début d’année scellant notre engagement.
Si la mise en place nous a pris du temps, elle a surtout été l’occasion d’apprendre de quelques erreurs en cours de route. Nos recommandations sont les suivantes :
- définir toutes les règles (quel type de commun, quel type de récipiendaire, quel seuil de montant minimal, etc) avant le début de la phase de collecte et de votes ;
- définir des délais clairs pour chaque étape (sélection, votes, paiements) sinon chacune d’entre elles s’éternise.
Introduction : le besoin de financement des communs numériques
Nous sommes toutes et tous, peu ou prou, utilisateurs de logiciels libres. Rien que le fait que près de 90 % des serveurs du monde fonctionnent sur un système d’exploitation GNU/Linux implique qu’il est quasiment impossible de faire fonctionner l’informatique contemporaine sans logiciels libres ou open source. En parallèle, plusieurs alertes relativement récentes donnent l’impression que la stratégie du passager clandestin est assez répandue parmi les structures utilisatrices de logiciels libres. Certains arrivent à douter de la pérennité du modèle du logiciel à code ouvert et vont jusqu’à parler de pillage. Certains développeurs résistent en tentant du sabotage, d’autres, en créant des licences plus restrictives.
Une autre voie est pourtant encore possible : celle d’une responsabilisation volontaire des structures dont le modèle d’affaire repose sur des logiciels libres et celle-ci peut passer par plusieurs types d’engagements, dont celui d’une rétribution économique directe aux porteurs de logiciels libres. C’est dans cette démarche que nous avons choisi d’adhérer et de mettre en pratique Copie Publique.
Présentation de l’initiative Copie Publique
Copie Publique est une initiative lancée par nos ami⋅es de l’entreprise Code Lutin. Elle a un objectif simple permettant de répondre à l’enjeu ci-dessus : proposer une démarche à laquelle diverses structures privées depuis les plus militantes aux moins sensibles au logiciel libre peuvent adhérer et mettre en pratique pour financer des communs numériques.
Elle avait été présentée lors de l’OSXP 2022, et un point d’étape a été fait lors de l’édition 2024.
Si la pratique a démarré il y a une dizaine d’années chez Code Lutin, c’est en 2021 que le projet a été formalisé pour un partage à l’extérieur de la coopérative. À date de rédaction, 6 entreprises toutes très libristes dans l’âme adhèrent à la démarche et sont membres de Copie Publique.
La démarche Copie Publique consiste en trois principes :
- rétribution : définition d’une formule d’allocation au logiciel libre
- démocratie : montant à répartir en reposant sur les choix des équipes
- redistribution : dons aux projets de communs numériques.
Chaque structure est libre d’appliquer ces principes selon des modalités opérationnelles lui convenant.
Démarche opérationnelle de sélection et d’allocation
Formule
Suivant les principes susmentionnés, nous avons défini de façon collective la formule d’allocation des dons. Nous avons choisi une formule que nous qualifions de conservatrice dans le sens où elle cherche à définir un montant sur la base des éléments d’un compte de résultat positif : 6 % du résultat net.
Sélection des bénéficiaires
Pour établir la liste des logiciels, nous nous sommes inspirés de la logique exposée par Ouestware en prenant des critères justifiant de choisir tel ou tel logiciel ou organisme. Chacun et chacune a fait des propositions en justifiant qu’elles étaient conformes à un ou plusieurs des critères suivants :
- jeune projet à soutenir ;
- pierre angulaire à notre activité ;
- logiciel utilisé fréquemment ;
- dépendance utilisée occasionnellement de façon critique ;
- bien commun important ;
- organisation militant pour le logiciel libre.
À la fin des propositions qui se sont étendues sur environ un mois, nous avions 39 logiciels ou organisations listées.
Allocation
Dans notre cas, nous avons choisi d’allouer tous les 6 % à des projets existants et de ne pas faire d’appel à projet comme le fait Code Lutin. Notre objectif était d’avoir un premier processus simple : chacun et chacune des membres de l’équipe affecte une part de pourcentage personnel à un projet de son choix avec une agrégation finale pour calculer les sommes allouées à chaque logiciel ou organisation.
Cette phase du processus a pris plus de temps que nécessaire et il a fallu relancer très régulièrement pour obtenir les votes de toute l’équipe. Nous recommandons donc de fixer des délais fermes sur cette phase, afin de ne pas la laisser s’étendre hors de toute borne admissible.
Rétribution
Alors que nous avions une liste finalisée et une répartition des dons aux différents projets choisis, c’est finalement la phase qui a produit le plus de remous, alors qu’il s’est agi de la plus courte dans le temps. En effet, c’est lors de la réalisation des paiements que nous avons le plus douté, remis en question ou constaté que nous n’avions pas de règles sur certains aspects. En particulier, nous nous sommes demandés quelle était l’efficacité voire l’image que pouvait renvoyer l’allocation de très petits montants, alors même que nous étions une entreprise. Par ailleurs, nous avons aussi beaucoup hésité sur le choix de cibler uniquement des projets formalisés au lieu de soutenir des personnes critiques aux projets (mainteneur unique ou principal).
Au final, lors de l’exécution de cette première salve de dons, les changements de règles font qu’aucune n’a prévalu et que la réalisation sera, pour toute logicienne à la sensibilité aiguë, un véritable galimatias. C’est ainsi que nous nous retrouvons à financer des organismes défendant le logiciel libre au niveau européen comme la Free Software Foundation Europe ou des fondations portant le développement de logiciels libres comme LibreOffice, via The Document Fondation, tout en contribuant au financement participatif demandé par le mainteneur principal de PHP/parallel dont la situation économique et physique est précaire. Nous recommandons donc d’établir et de valider les règles opérationnelles d’allocation avant le début des travaux. Définissez les seuils de montant, les types de cibles potentielles, les moyens et canaux de paiement, etc avant tout démarrage, puisque ces aspects affectent la façon dont les équipes sélectionnent et voteraient pour les projets.
Pour l’exécution des dons, nous ne nous sommes pas limités à une plateforme en particulier. Nous avons donc utilisé majoritairement Liberapay et OpenCollective, mais aussi les pages de dons des différents organismes ou projets.
Les montants accordés sont au final les suivants pour un total de 4 617,29 € dont 3 448,39 € qui sont conformes à l’esprit de Copie Publique à savoir la production de communs numériques :
Conclusion : projection
Appliquer Copie Publique nous semble avoir du sens dans l’absolu et en particulier pour nous qui sommes une entreprise croyant fortement dans la valeur et dans les valeurs du logiciel libre. Si ces financements peuvent apparaître comme une petite brique à la surface ténue, il s’agit pour nous d’une marque supplémentaire d’engagement continu et pérenne. N’hésitez pas à rejoindre le mouvement Copie Publique. Plus nous sommes nombreux et nombreuses, plus nous assurerons la résilience de cet écosystème qui nous est à la fois cher et utile.
Si vous avez des doutes ou des questions, vous pouvez rejoindre le salon Matrix dédié au sujet.